Le Chili accueille la famille mondiale au 15e Congrès mennonite du Cône Sud

Angostura de Paine, Chili - Le Congrès traditionnel biannuel des mennonites du Cône Sud a pu avoir lieu, après un délai de deux ans causé par le tremblement de terre de 2010. C’était pour la première fois au Chili, et une vingtaine de paroisses s’y sont rendu, affirmant ainsi leur soutien à l'anabaptisme. Le rassemblement a eu lieu du 23 au 27 janvier sur le terrain de camping de l’Armée du Salut, à Angostura de Paine, à 55 kilomètres au sud de Santiago du Chili.

Une centaine d’anabaptistes de Bolivie, d'Argentine, d'Uruguay, du Paraguay et du Brésil sont venus, ainsi que des dizaines de membres d'autres églises de plusieurs régions du Chili. Des visiteurs d'Amérique centrale et d'Amérique du Nord se sont joints à eux ainsi que le bureau de la Conférence Mennonite Mondiale (CMM).

La Iglesia Evangélica Menonita de Chile (IEMCH), qui est devenue la 100e église membre de la CMM en 2011, a organisé l'événement. L’IEMCH regroupe une douzaine d’assemblées à travers le pays et reflète la vocation missionnaire des églises anabaptistes d'Amérique latine. Dans son exposé, Titus Guenther, professeur canadien d'origine paraguayenne, a attiré l'attention sur cette vocation qui a permis aux églises anabaptistes d'Amérique latine de quadrupler le nombre de leurs membres au cours des 30 dernières années. Le Chilien Jorge Vallejos, qui a implanté de nombreuses églises et vit au Canada, était présent. Dans les années 1980, il a créé des liens entre les églises canadiennes et chiliennes, qui ont conduit à la création de l’IEMCH.

Robert J. Suderman, l’orateur principal, a parlé de ‘Encarnando ahora vistazos del futuro : Fundamentos bíblicos del Shalom’ (Incarner aujourd’hui un avant-goût de l'avenir : les fondements bibliques du Shalom). Ancien secrétaire général de Mennonite Church Canada, il a travaillé avec les églises mennonites en Amérique latine pendant une dizaine d’années. Il a cité Éphésiens 6/12 et remarqué qu’une église du Shalom doit comprendre la nature du mal auquel elle est confrontée : ce n'est pas une lutte contre ‘la chair et le sang’, mais contre les ‘principautés et les pouvoirs’, ces dernières étant les idéologies oppressives qui perpétuent les injustices dans notre monde. « Aussi », dit Robert Suderman, « la vocation fondamentale d'une communauté du Shalom est d'ordre pédagogique ». Cette vocation se concrétise par l’amour des ennemis, qui transforme chaque paroisse en « preuve du Royaume du Shalom ».

Le pasteur Alfred Klassen (Paraguay) a donné un exemple frappant de cette pratique transformatrice. Il a été agressé et poignardé à son domicile en 2009, et lorsque l'un de ses agresseurs s'est rendu, Alfred Klassen lui a pardonné et est resté avec lui tout au long du processus judiciaire, ce qui a créé un lien d'amitié et de confiance entre eux.

Les cadres de la CMM, Danisa Ndlovu (Zimbabwe) et Janet Plenert (Canada) ont parlé du culte de repentance et de pardon qui a eu lieu à Stuttgart (Allemagne) en 2010, et qui a marqué le rapprochement des luthériens et des mennonites. Titus Guenther a mentionné un autre témoignage de réconciliation : l'histoire du Christ des Andes, une statue faite de canons de bronze fondus, placée au sommet de la Cordillère des Andes en 1904 pour commémorer la solution pacifique à un conflit frontalier entre le Chili et l'Argentine.

Les pasteurs Mónica Parada et Carlos Gallardo, de l’église anabaptiste mennonite Puerta del Rebaño, à Concepción (Chili) ont apporté d’autres réflexions théologiques. Tous deux ont souligné l’importance de faire ses premiers pas sur le chemin de la paix dans sa propre communauté religieuse et dans sa famille. Carlos Gallardo a déclaré que « la vraie suivance du Christ est basée sur l'égalité et sur l’édification d'une communauté dans laquelle nous sommes tous au même niveau ».

Mónica Parada avait été spécialement invitée par le réseau des Théologiennes anabaptistes d’Amérique latine. Elle a fourni des clés pour démasquer la violence symbolique qui s'exerce très subtilement dans la vie quotidienne, en particulier contre les femmes. Elle a aussi donné un aperçu historique sur les femmes, partant de différents points de vue. Bien que dans les évangiles, le comportement de Jésus mette en évidence la dignité inhérente aux femmes, de nombreux théologiens – des temps patristiques jusqu'à nos jours – se sont efforcés de maintenir les femmes dans une position d’infériorité. Ils ont créé une ‘construction sociale et religieuse’ de la femme, être incomplet et défectueux, que l'Église doit commencer à dépasser pour qu’hommes et femmes parviennent à une plénitude de vie en Dieu. « Nous devons enlever les pierres des leuves d'eau vive », a dit le pasteur.

Pendant les cinq jours qu’a duré cette rencontre, il y a eu de nombreux témoignages émouvants. Lors d'une session dirigée par des théologiennes anabaptistes d'Amérique latine, Aurora Rinaldi (Argentine) et Valeria Alvarenga (Brésil) ont parlé du chemin long et ardu jusqu’au pastorat. Freddy Barrón (Bolivie) a rapporté les hauts et les bas qu'il a connus en tant qu’enfant de pasteur, pour attirer l'attention sur les risques et les privations de la vie de la famille d’un pasteur lorsque ses besoins ne sont pas pris en considération.

César García, secrétaire général de la CMM, et Rodrigo Pedroza, représentant du réseau des jeunes anabaptistes (YABs), ont présenté le travail de leurs organisations pour renforcer les liens de la famille anabaptiste mondiale.

Le rassemblement du Cône Sud a aussi été l'occasion d’échanges par la louange et l'art. Avec les costumes et les instruments traditionnels des agriculteurs du centre du Chili, le groupe ‘Los del Huerto’ a chanté et dansé au son de la musique locale folklorique, par exemple les danses cuecas et guarachas. En outre, les jeunes d’IEMCH ont montré des images et des danses typiques des différentes régions du Chili continental et de l'île de Pâques. Des représentants d'Argentine ont proposé une soirée de chants de louange sur des rythmes latino-américains et des paroles exaltant l’engagement envers la paix et la justice, ce qu’a aussi fait le jeune Salomao Taumaturgo avec la musique brésilienne.

Le dernier jour, les participants ont remercié avec émotion l’IEMCH de son hospitalité. « Ils ont prêté attention aux détails pour que nous nous sentions parfaitement à l’aise », a déclaré Rubén Darino (Argentine). Après avoir partagé la cène et clos la réunion, l’IEMCH s’est rendu au bord d’une piscine tout près pour baptiser trois de ses membres. Ils étaient accompagné par les anabaptistes de dix pays différents : une manifestation visible de ce qui a été dit par le pasteur hôte, Daniel Delgado : « Maintenant, nous savons que nous ne sommes pas seuls, que nous faisons partie d'une famille universelle ».

Felipe-Elgueta, avec la collaboration de Violeta Fonceca.

Photo supplémentaires: Signature d'un drapeau de réseau des Théologiennes anabaptistes d’Amérique latine. La bannière sera prise à des réunions de femmes dans d'autres pays cette année. Photo par Janet Plenert.

 

 

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