Posté: 19 mai, 2016
L’inégalité économique : Explorer notre engagement commun pour le shalom
Un des engagements de notre communion mondiale d’églises anabaptistes consiste à travailler au shalom. Nous croyons à l’engagement pour la justice et au partage de nos ressources, qu’elles soient matérielles, financières ou spirituelles. Pourtant, à cause de notre immense diversité, notre engagement prend différentes formes. Dans le numéro d’avril 2014, les responsables de notre communion analysent la manière dont les anabaptistes abordent la question de l’inégalité économique, et comment nous, en tant que disciples du Christ en quête du shalom, essayons de réduire les écarts de richesse dans nos communautés.
Réparer la brèche
Depuis quelques temps, la télévision nord-américaine passe de nombreux clips d’organisations d’Amérique du Nord qui demandent de l’argent pour lutter contre la faim dans le monde. Ces clips, montrant des enfants tristes, la plupart africains, cherchent à nous émouvoir. L’un d’eux mentionnait que chaque année, 17 000 enfants meurent de faim, ce qui fait apparemment un mort toutes les cinq secondes. C’est déchirant.
Mais, bien que la faim soit un problème en Afrique, il semble que ces clips ignorent le problème de la faim ici aux États-Unis, et perpétuent les stéréotypes de ‘ces pauvres Africains’. On dit souvent que les États-Unis sont le pays le plus riche du monde. Alors, pourquoi, selon World Hunger Education Services, 14,5 % des familles (soit près de 49 millions de personnes) souffrent d’insécurité alimentaire, c’est à dire que ‘l’apport alimentaire des membres de la famille est parfois réduit et leurs habitudes alimentaires normales perturbées, faute d’argent ? Comment est-il possible qu’aux États-Unis, une personne sur sept (dont un enfant sur cinq) vive en dessous du seuil de pauvreté ?
Ces chiffres lamentables sur la faim et la pauvreté aux États-Unis sont encore plus dérangeants lorsque l’on considère également les éléments suivants : selon le Center on Budget and Policy Priorities, en 2007, 10 % des Américains avaient 47 % des revenus et détenaient 74 % de la richesse, et cet écart n’a pas diminué depuis 2007. Ou encore : au cours des 35 dernières années, le revenu de 1 % des plus riches a augmenté de 201 %, tandis que le revenu des 60 % du milieu n’a augmenté que de 40 %, selon le U.S. Congressional Budget Office. Le problème n’est pas qu’il n’y a pas assez de richesse aux États-Unis, c’est qu’elle est inégalement – très inégalement répartie.
Citant des statistiques comme-celles ci-dessus, le président américain Barack Obama a noté en décembre 2013 que l’inégalité croissante aux États-Unis « remet en question l’essence même de notre identité en tant que peuple [...] L’idée qu’un enfant ne pourra peut-être jamais sortir de la pauvreté par manque d’instruction, de soins médicaux, ou d’une communauté concernée par son avenir, devrait nous indigner tous et nous pousser à agir. Notre pays vaut mieux que cela. »
Pourquoi les inégalités économiques augmentent-elles aux États-Unis ? La question est complexe et n’a pas de réponse simple, mais il est clair que certains facteurs contribuent au problème. Parmi ces facteurs figurent : les intérêts commerciaux des entreprises qui prennent le pas sur des politiques publiques plus équitables, la peur du socialisme et de la prétendue ‘redistribution des richesses’, l’idée que le gouvernement ne doit plus être un ‘filet de sécurité’, et l’opinion que les gens sont pauvres parce qu’ils ont fait de mauvais choix et ne prennent pas leurs responsabilités – et non parce que le système leur est défavorable. La diminution de l’aide alimentaire* et de l’assurance-chômage à long terme, ainsi que le manque de volonté de certains politiciens pour augmenter le salaire minimum, tout en continuant à voter des allégements fiscaux pour les particuliers et les sociétés riches, sont des exemples de politiques qui contribuent à perpétuer les inégalités.
L’inégalité économique est un défi important pour les églises nord-américaines, et elles y ont souvent bien répondu. Beaucoup de chrétiens (et d’autres) font du bénévolat et contribuent financièrement à des organisations caritatives. De nombreuses paroisses mènent des actions, ou y participent, pour venir en aide aux personnes démunies. Pourtant, en dépit de ces efforts, l’inégalité économique subsiste. L’écart entre les riches et pauvres s’accroît. La générosité et la pratique de la ‘religion pure’ de Jacques 1/27 (aider les veuves et les orphelins) sont des impératifs scripturaux importants à mettre en pratique. Mais c’est aussi vrai pour les injonctions à ‘travailler à la justice’ et à créer des systèmes sociaux qui n’oppriment pas les démunis (voir Michée 6/8 et Amos 2/6-7). Dans le contexte actuel de l’énorme inégalité aux États-Unis, et ailleurs, les paroles d’Ésaïe 58 devraient nous interpeller tous les jours :
Le jeûne que je préfère, n’est-ce pas ceci :
dénouer les liens provenant de la méchanceté,
détacher les courroies du joug,
renvoyer libres ceux qui ployaient,
bref que vous mettiez en pièces tous les jougs !
N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé ?
Et encore : les pauvres sans abri, tu les hébergeras,
si tu vois quelqu’un nu, tu le couvriras :
devant celui qui est ta propre chair, tu ne te déroberas pas. (Ésaïe 58/6)
Ésaïe continue et promet que si nous faisons cela, nous serons appelés ‘réparateur des brèches’ et ‘restaurateurs des rues ‘– objectifs dignes d’efforts.
Harriet Sider Bicksler est membre de l’église Frères en Christ de Grantham (Mechanicsburg, États-Unis). Elle est aussi éditrice de Shalom !, un trimestriel des Frères en Christ traitant des questions de paix et de justice.
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