Posté: 25 mai, 2015
« Les Colombiens ne se battent pas pour l’argent. Vous vous battez pour le pouvoir ». C’est ce qu’a déclaré une missionnaire d’Amérique du Nord après plusieurs décennies en Colombie. Elle parlait des ruptures incessantes de relations entre les responsables d’églises à cause de conflits.
Après 22 ans de ministère en Colombie, je dois reconnaître que c’est la triste réalité de nos églises. Pendant ces années, j’ai été témoin de trop de conflits malsains dans nos assemblées ; j’ai aussi vu trop de relations brisées, et trop de personnes blessées quittant les églises à cause de ces conflits.
Toutefois, depuis que je travaille à la CMM, j’ai découvert que les problèmes d’abus de pouvoir et de conflits malsains entre responsables ne sont pas seulement une réalité colombienne. En fait, ils semblent être transculturels et présents chez tous les peuples et toutes les nations, et en quelque sorte un gène ‘trans-anabaptiste’ qui a touché toutes nos églises. Quelques soient nos différences culturelles et théologiques, ils sont présents depuis Caïn et Abel.
Quelles caractéristiques ai-je pu observer chez les responsables d’églises impliqués dans des conflits malsains et des abus de pouvoir à travers le monde ? À ce jour, j’ai noté :
Des besoins personnels non satisfaits. Lorsque des responsables sont confrontés à des conflits, ils manifestent parfois de réelles faiblesses émotionnelles. Certains responsables par exemple, semblent avoir soif de reconnaissance. Ils s’attendent à recevoir un traitement spécial ou de la gratitude pour leur travail. Lorsque ce n’est pas le cas, ils réagissent avec agressivité envers les autres, ou sont entraînés dans une spirale descendante vers la passivité et l’apitoiement sur soi. Comme nos églises seraient différentes si nous apprenions à prier comme Mère Teresa : « Seigneur, fais que je cherche à aimer plutôt qu’à être aimé » !
Un autre exemple a trait aux responsables qui ont appris à lutter contre leur sentiment de vide en profitant des privilèges liés à certains postes ecclésiaux. Craignant de les perdre, ils font tout pour les garder et ne s’inquiètent pas de blesser quelqu’un pour cela. La satisfaction de leurs besoins affectifs est plus importante que les personnes pour lesquelles ils ont été appelés à consacrer leur vie.
Un extrême perfectionnisme. Il se manifeste quand des responsables ne sont pas prêts à reconnaître leurs erreurs ou à demander pardon quand ils ont blessé quelqu’un. Il n’est pas facile de se montrer vulnérable lorsque l’on occupe des postes de direction. Ces personnes croient que si elles ouvrent leur cœur et reconnaissent leurs erreurs, elles perdront leur autorité. C’est peut-être l’influence de la sécularisation. La vision d’un responsable fort et solitaire n’exprimant pas ses sentiments est le résultat des concepts culturels, mais n’a pas de place dans le service qui, dans la vision chrétienne, s’accomplit en étant blessé et vulnérable, et non en dominant les autres.
L’insistance sur l’uniformité. La conséquence naturelle de l’abus de pouvoir, c’est la tentation de supprimer la diversité. Ce genre de responsables ne tolère pas ceux qui pensent différemment qu’eux. Différences théologiques ou de style de leadership sont critiquées et étiquetées comme péchés par ceux qui fonctionnent de manière autoritaire. La diversité étant perçue comme une menace, ces responsables utilisent un credo pour vérifier l’orthodoxie sans reconnaître que la diversité a fait partie intégrante de la foi chrétienne depuis ses débuts.
Ces caractéristiques se retrouvent chez de nombreux leaders qui ne connaissent pas d’autre moyen d’exercer leurs responsabilités. Il nous faut vraiment un nouveau modèle de leadership. Comment nos églises peuvent-elles répondre à ce besoin ? Dieu nous appelle à un modèle de leadership inspiré de la vie de Jésus et renforcé par nos valeurs anabaptistes. Ce modèle ne cherche pas ses propres intérêts, mais le bien-être des autres, reconnaît ses erreurs et s’exerce à partir d’une position de vulnérabilité, qui célèbre la diversité au lieu de la réduire ou de la supprimer. Je prie pour que le numéro d’octobre 2014 de Courier / Correo / Courrier puisse nous aider à aller dans cette direction.
César García, secrétaire général de la CMM, travaille à partir de son siège à Bogotá, en Colombie.
Comments: