Posté: 28 août, 2024
Pays-Bas
Nous vivons dans une société – en Europe de l’Ouest - qui ne parle plus notre langue. Nous avons été la culture dominante pendant des siècles et des siècles... qu’il s’agisse de catholiques, de protestants ou de mennonites. Le langage chrétien, l’imagerie chrétienne, les normes et les valeurs chrétiennes étaient absolument dominants dans la culture néerlandaise. Et en l’espace d’une génération, tout cela a disparu.
Oh, bien sûr, la sécularisation existait déjà auparavant. Elle a commencé il y a quelques décennies. Et nous avons vécu dans ce milieu.
Nos églises ont toujours été petites, nos assemblées aussi. Nous aimons cela. Nous aimons nous connaître.
Mais il y a eu un tournant, apparemment. Et nous l’avons atteint sans nous en rendre compte. Certains d’entre nous ne le reconnaissent pas encore.
Il ne s’agit pas seulement de sécularisation. Il s’agit de toute une culture, avec toutes ses références, qui disparaît en un clin d’œil.
Mais voilà : les gens qui nous entourent ne nous comprennent plus et ne comprennent plus notre histoire. C’est comme la Pentecôte à l’envers. Nous parlons et racontons notre histoire, en utilisant le même langage que les gens qui nous entourent. Mais personne ne comprend ce que nous disons. Les mots que nous utilisons n’ont pas de sens – ou ont même un sens différent pour nos auditeurs.
Nous nous réveillons dans une réalité étrange. Incompréhensible.
C’est autre chose que le déclin. C’est un monde nouveau.
Et j’aime cela.
Nous n’en sommes plus à essayer de sauver ce qui était. Nous n’en sommes plus à essayer d’inverser le cours des choses. Nous sommes sur le point de nous réinventer, de réinventer nos églises, de réinventer nos récits. Nous sommes sur la voie de la découverte.
Il n’y a pas de position de repli. Même notre argent ne peut plus nous sauver. C’est très, très effrayant.
Et j’aime cela.
Exilés sur notre propre terre
Cela réduit tout à l’essentiel. Même l’Évangile. Nous devons le lire, l’étudier, le retrouver. Qu’est-ce qui a de la valeur ? Qu’est-ce que la vérité ? Qu’est-ce que la tradition ? Quelle histoire ? Quelles sont les réponses anciennes à des questions encore plus anciennes ? Et qu’est-ce qui nous parle encore aujourd’hui, à nos cœurs, à nos âmes ? Nous devons nous interroger sur nous-mêmes, sur nos motivations, sur nos confessions. Il n’y a pas de réponses faciles.
Et voilà ce qu’il en est. Maintenant, notre croissance doit être mesurée sur le plan spirituel. Non pas par des chiffres, mais par une gentille sagesse. Par notre humanité. Par notre communauté.
Nous devons aller en profondeur. Nous devons accepter de ne plus être chez nous sur cette terre, dans ce monde, dans cette langue, et faire le deuil de cette perte.
Et la Bible nous dira comment faire.
Nous l’avons déjà fait. À une autre époque, dans un autre lieu, dans une autre situation, mais avec le même problème. Nous sommes en exil sur notre propre terre et notre propre continent : « Les rivières de Babylone », même si nous sommes les seuls à comprendre cette référence (et nous ne parlons pas de la chanson de Boney M).
Et c’est là que nous trouvons de nouveaux chemins.
Nous ne parlons pas de notre foi aux gens. Nous la vivons.
Un monde différent.
Beaucoup de nos jeunes ont découvert l’Église par l’intermédiaire des les AKC – nos camps d’été. Pas un mot sur l’Évangile n’est prononcé pendant ces camps. Mais nous y créons un monde totalement différent de ce que ces enfants et ces jeunes connaissent à la maison ou à l’école. Un espace de ressourcement, sans pression ni jugement. Un espace où ils apprennent que les façons de faire du monde qui nous entoure ne sont peut-être pas la seule réponse.
Nous ne poussons pas, nous ne faisons pas la morale. Nous nous amusons, nous ouvrons un nouvel espace pour eux ... et nous attendons.
À un moment donné, ils deviennent curieux. Ils commencent à poser des questions : Qu’est-ce qui est si différent ici ? Et pourquoi ?
Dans la broederschapshuis où je travaille, toutes sortes de personnes viennent et restent. Nous ne partageons pas notre foi, sauf si on nous le demande. Mais nous demandons à tout le monde de se rencontrer, de travailler ensemble, de faire partie de notre communauté pendant leur séjour.
En faisant la vaisselle ensemble, nous rencontrons Dieu - ou du moins sur des questions à propos de Dieu. Dans chaque question, nous essayons de trouver quelque chose à apprendre.
Nous n’avons plus les réponses. Mais les questions de personnes qui ne connaissent pas Dieu ou la foi nous montrent notre chemin.
Je suis touchée lorsqu’un jeune bénévole de notre broederschapshuis visite notre église pour la première fois, trouve le courage de se lever et de témoigner : « Il y a quelque chose ici. Je n’ai pas encore les mots pour le dire, mais je le ressends maintenant dans mon cœur ».
Dans notre situation, voilà un témoignage de foi. Parce que c’est vrai : nous n’avons pas les mots. Et pourtant.
Notre croissance ne sera pas axée sur les chiffres, mais sur le fait d’être ‘humain-avec-Dieu’. Notre mission consiste à trouver notre propre chemin. Et ce faisant, nous essayons de le vivre.
Les gens le remarquent. Les gens posent des questions. Nous essayons d’y répondre et nous échouons. Et c’est là toute la beauté de la chose. C’est ce qui maintient la conversation, le processus d’apprentissage.
Nous grandirons en ne sachant pas du tout. Et nous nous en accommoderons en hésitant un peu.
Grâce soit rendue à Dieu.
—Wieteke van der Molen est pasteure et directrice spirituelle au sein de l’Algemene Doopsgezinde Sociëteit (Eglise mennonite néerlandaise). Elle est co-directrice de Dopersduin, une Broederschapshuis mennonite (maison communautaire) et un centre de retraite à Schoorl, aux Pays-Bas.
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